Télétravail. Start-up. Freelance. De plus en plus de jeunes travailleurs aspirent à l’indépendance et à la liberté. Ces modes de travail se démocratisent rapidement et re-dessinent, tout doucement, le paysage du monde du travail.
Pourtant, ils ont du mal à entrer dans les moeurs… Si chaque jour je ne prends pas ma voiture – ou le métro – pour aller travailler, si chaque jour de 9h à 17h je ne trime pas sous les ordres d’un chef, si chaque mois je ne reçois pas mon bulletin de salaire et si chaque année je ne prends pas mes cinq semaines de congés payés, alors je ne travaille pas « vraiment » : on considère que j’ai un mode de vie instable, bohème, et qu’on ne peut pas me faire confiance (essayez un peu de louer un appartement ou d’emprunter à une banque sans fiche de paie…)
Nous avons été conditionné par notre éducation et nous avons une conception précise de ce que doit être le travail – une conception qui bride notre autonomie et freine nos élans créatifs. Le salariat est un modèle si ancré dans nos mentalités que l’on ne se demande même pas s’il existe des alternatives et si l’on est capable de s’y aventurer (j’ai découvert, à 25 ans seulement, qu’il était possible de travailler en freelance : pourquoi ne m’a-t-on pas parlé de cette possibilité en classe de Terminale ?).
Ce qui amène alors presque systématiquement trois sortes de réactions lorsque j’évoque mon activité et mon mode de vie.
L’admiration.
Souvent, on me dit que j’ai fait preuve d’un grand courage pour abandonner un CDI de libraire bien payé. On m’envie et on m’admire d’avoir plaqué une situation stable, confortable et rassurante, pour une aventure un peu folle et incertaine.
Et pourtant. Ce n’est pas comme ça que je le ressens.
Pour moi, le courage, c’est de supporter un travail que l’on n’aime pas – ou que l’on n’aime plus. C’est de réussir à se lever chaque matin pour vivre une journée qui n’apportera ni épanouissement, ni satisfaction. C’est d’être capable de faire preuve d’abnégation pour payer ses factures et nourrir sa famille.
Je ne me sens pas courageuse parce que ce travail était en train de me perdre. Je ne me reconnaissais plus et j’ai fui pour sauver ma peau. Ça ne devrait pas être courageux de chercher à être heureux, épanoui, ça devrait être normal.
A ces gens qui admirent mon « courage », j’ai envie de leur dire : je l’ai fait, vous pouvez le faire aussi. Ce choix de vie n’est pas un eldorado inaccessible, si vous le voulez vraiment et si vous vous en donnez les moyens, vous pouvez l’atteindre, vous aussi, puisqu’il existe désormais des solutions et des aides qui permettent de se reconvertir sans prendre trop de risques.
La suspicion.
Depuis quelques années j’ai la chance d’évoluer dans la sphère entrepreneuriale et de ne rencontrer que des personnes bienveillantes qui partagent mes convictions et comprennent mon état d’esprit. J’évolue dans cette sphère où la compétition n’existe pas, où l’on s’écoute et s’entraide. Alors quand – très rarement – j’entends des remarques de personnes fermées à ce milieu, ça m’affecte beaucoup.
C’est quand que tu cherches un vrai travail ?
Et pourtant. Chaque matin mon réveil sonne à 7h30. Chaque matin je me lève, je déjeune, je m’habille, puis je m’installe à mon bureau pour travailler. Je réponds à mes mails, je fais ma veille technologique, je rédige des articles pour aider mes lecteurs. J’édite des devis, j’envoie des factures, je fais ma compta. Je réalise des maquettes sur Photoshop, je code des milliers de lignes de CSS, je répare des bugs. Je conseille, je guide, je réponds à de nombreuses questions. Je continue de me documenter, de me former, d’apprendre, pour rester à la pointe.
Je me lève chaque matin et j’ai des contrats à honorer, des clients à satisfaire, des délais à respecter. Et rien ni personne pour me contraindre à le faire. Si ce n’est ma bonne conscience. Ma rigueur. Mon amour du travail bien fait. Si ce n’est la satisfaction de voir mes clients un peu plus heureux…
T’es chez toi toute la journée, tu peux faire ce que tu veux !
Oui, je suis chez moi toute la journée. Oui, c’est une chance incroyable et oui je peux faire (à peu près) ce que je veux. Mais je ne joue pas à la console. Je ne regarde pas la télévision. Je ne lis pas les nombreux romans qui s’empilent sur ma table de chevet. Je ne trouve pas le temps pour jouer du piano, aller me promener ou alimenter mon blog personnel.
Parce que je travaille, toute la journée.
Parce que j’honore mes contrats, parce que j’essaie de satisfaire au mieux mes clients.
Parce que je réfléchis à de nouvelles idées, à de nouveaux projets et parce que je travaille à faire vivre et grandir mon business.
L’inquiétude.
Bien sûr. Les proches très proches s’inquiètent. Ils m’encouragent, m’observent, me laissent mener ma barque… mais ils se font du souci, aussi. Est-ce mon activité sera pérenne, est-ce que je vais réussir à gagner ma vie sur le long terme ? Ils ne sont jamais intrusifs, mais dans leurs
et ça va, tu as du travail en ce moment… ?
souvent, je perçois un peu d’inquiétude. Et c’est sain. En effet, la vie de freelance n’est pas un long fleuve tranquille : il y a de bons mois et il y a… de mauvais mois, c’est donc bien légitime qu’ils se posent cette question.
Je crois que pour rassurer ses proches, il faut leur donner l’impression qu’on sait ce qu’on fait et où on va. Quand je parle de mon activité, je le fais avec passion et assurance, j’essaie de leur montrer que j’ai la tête sur les épaules, que j’assume mes choix de vie et qu’ils me rendent heureuse. Car finalement, c’est tout ce qui compte pour eux, que je sois heureuse.
Le mot de la fin.
Je constate que les mentalités évoluent depuis quelques années. Nous sommes de plus en plus nombreux à écouter nos désirs et à oeuvrer pour vivre plus en accord avec nos valeurs. Le mode de vie freelance est un modèle qui inspire, fait rêver. Il n’est pas rose tous les jours, il y a des doutes, des difficultés, mais il permet de rester fidèle à ses principes et ça, les gens le comprennent de plus en plus.
Pour finir, vous êtes nombreux à me contacter, à me poser des questions sur ce que je fais, ce que je vis. Sachez que ma boîte mail est grande ouverte à vos questions, alors n’hésitez pas !
C’est tellement ça ! Et parfois je me demande même si on ne travaille pas plus de chez soi… Car on a tendance à être tellement « coupées » du monde que l’on est à 100% du matin au soir. Et parfois même tard le soir!
Bisous
Plume d’Auré
http://www.plumedaure.com
Oui je vois ce que tu veux dire, même si en ce qui me concerne j’ai encore un peu trop de distraction à la maison (l’amoureux et le chat ah ah) ! Mais j’arrive à me faire de « grosses sessions » de travail, chose que j’avais du mal à faire en librairie. J’adorais m’arrêter de travailler pour papoter xD Là parfois on mange à 14h30 le midi juste parce que je n’arrive pas à m’arrêter !
Hello ! Mon homme travaille à domicile, en free-lance. J’avoue que même moi, je me surprends à lui faire qlq remarques et à avoir certaines pensées pas chouettes. « Tu es à la maison, tu pourrais faire qlq taches ménagères », et j’en passe. Maintenant je me mords la langue avant de sortir une grosse ânerie ! Non seulement il travaille mais il gagne mieux sa vie que moi XD
https://la-parenthese-psy.com/
Ah ah alors c’est sûr qu’il pourrait le faire 😉 En général pendant ma pause midi, je fais à manger, et pendant que ça cuit, je fais justement quelques tâches ménagères ! Il faut optimiser son temps 😀 Comme ça après ma journée de boulot ou le week-end, je peux me détendre puisqu’en faisant un peu de ménage tous les midis, ça reste propre.
Enfin bref, peu importe, c’est vrai que c’est tentant de croire que le freelance a le temps pour ceci ou cela puisqu’il est à la maison. Mais en vrai, on a le temps de rien ^^
C’est exactement le problème de toutes les personnes qui travaillent à la maison (parents au foyer compris), ou qui ont une profession indépendante (combien de fois ai-je entendu: ah mais moi, je ne peux pas, je travaille!!).
Un soupçon de jalousie et un brin d’envie se cachent probablement derrière ces vilaines réflexion. Faut juste laisser dire 🙂
Bisous.
Véro
Coucou Véro,
Alors tu vois, jamais j’aurais imaginé que tu puisses avoir entendu ce genre de réflexions. Pour le coup, tu bosses de chez toi, t’es indépendante, c’est vrai, mais tu as aussi un taf énorme en extérieur, tu as un métier physique et ne passe pas tes journées assises dans un bureau. Pour moi c’est incompréhensible qu’on ait pu te faire ce genre de remarques !
Mais oui, de toute manière je laisse dire et c’est quand même des cas assez rares 😉
Bisous
C’est intéressant comme article pour moi qui » rêve » de travailler à la maison en freelance. Mais je ne me sens pas encore capable d’arrêter du jour au lendemain le travail en équipe et sa cohésion, la rencontre avec le/la collègue, les horaires de l’entreprise qui nous régissent. Et surtout consacrer tout un temps à son travail freelance en se fixant ses propres règles je trouve ça assez vertigineux mais dans une position peureuse : je partirai plutôt pour quelques heures, une matinée de boulot à domicile pour commencer car pour le tenter pendant des périodes courtes je peux dire que je n’ai pas encore la performance de rester attentif à une même activité pendant longtemps et surtout chez moi les distractions sont nombreuses. De plus je suis célibataire et devenir freelance à 100% me procurait l’angoisse de ne plus sortir de chez moi, de ne plus voir personne, de m’enfermer dans un château de solitude. A doux songe, j’ai toujours besoin de t’éprouver pour vraiment me faire rêver !
Alors c’est clair qu’on est pas tous faits pour le même mode de travail. Il faut se diriger vers ce qui nous correspond, surtout. Si le mode de vie freelance t’attire et t’effraie à la fois, tu pourrais en effet envisager de cumuler une activité salariée à temps partiel et une activité de freelance à côté. C’est l’idéal car tu bénéficies des avantages des deux statuts (et tu souffres moins de leurs inconvénients je pense). Ça permet de tester, de voir ce qui te correspond et ce dont tu es capable.
En ce qui me concerne, avant de me lancer, je craignais de me planter car je suis quelqu’un d’assez paresseux, pas toujours discipliné et pas très organisé (franchement ça laissait présager du pire ^^). Mais j’étais tellement motivée ! Et cette expérience m’a transformée. C’est incroyable car mon activité m’a permis de corriger ces défauts très rapidement.
Bref, je crois que si ça te tente, il faut le faire, mais à ton rythme, c’est important.
Je me retrouve exactement dans ce que tu dis !
Bonjour !
Mieux vaut tard que jamais, je découvre cet article qui, semble-t-il, n’a pas trouvé sa résonance que chez moi.
Mes proches ont longtemps (et encore aujourd’hui pour certains), fait totalement abstraction du fait que je puisse être indépendante, travailler en freelance, travailler à la maison, et même… travailler tout court.
Le pire moment ? Peut-être quand j’ai eu ma fille et que j’ai fait le choix de la mettre en crèche (à un an et auprès d’une structure située dans ma rue d’habitation) alors que quoi ? > J’avais le temps de m’en occuper puisque j’étais « à la maison » !
Aujourd’hui, après 8 ans d’activité les choses ont évolué même si ma mère ne sait toujours pas répondre à la question : « Que fait ta fille dans la vie » ? 🙂
Au final, je crois que c’est surtout une question de nouveauté. Bientôt, les freelances seront tellement nombreux que la question de savoir comment ils sont perçus, ne se posera plus !
Bonjour Pauline, merci pour ton retour d’expérience !
En effet, ce n’est pas facile de faire comprendre aux gens qu’on est pas forcément disponible pour tout juste parce qu’on est à la maison. Mais nous sommes de plus en plus nombreux à vivre de cette manière et, de ce que j’en vois, les gens le comprennent et l’acceptent vraiment bien. J’ai emménagé l’année dernière dans un petit coin de campagne où PERSONNE ne travaille à domicile et pourtant, les gens ont bien conscience que je ne me tourne pas les pouces à longueur de journée sur mon transat… Donc je pense qu’on est sur la bonne voie 😉
Véro, Pauline, Johanne,… ce serait bien d’avoir un avis masculin non? ;p Perso je suis salarié le jour et freelance en soirée/nuit et week end dans des domaines totalement différents et c’est ce qui me plait… donc mes proches ne me chatouillent pas trop avec le temps de travail et certains clichés cités plus haut dont nous pouvons souffrir lorsqu’on est freelance. Certains de ces clichés vont s’estomper notamment avec l’augmentation du télétravail dans les années à venir et l’augmentation du nombres de freelances comme déjà précisés plus haut. Perso je me sens plus intelligent et épanoui quand je suis devant mon ordinateur à la maison qu’au volant de ma voiture dans un bouchon…
J’ai commencé à créer cyboolo.io (application web pour les indépendants) il y a environ 1 an et 1/2 alors au début c’était « Ah bon mais pourquoi? » sous-entendu « tu as un bon job, pourquoi tu t’embêtes? C’est quoi cette lubie? » Ils ont du mal à comprendre qu’il puisse s’agir d’une passion (coder, webdesign, entreprendre,…) et que cela puisse être salvateur, enrichissant et permettre de s’épanouir pour assouvir un besoin d’exprimer sa créativité, de se challenger, de vivre comme on l’entend mais aussi d’avoir un plan B si un jour, on sait jamais, on perd son emploi.
Une fois que le site a été lancé c’est devenu « Ca marche, tu as des clients? » sous-entendu il faut que cela marche de suite car pour eux, si tu n’as pas un max de clients dès le départ c’est que tu t’es complètement planté sans voir tous les échanges, toutes les rencontres et toute l’expérience engrangée qui me servent tous les jours y compris dans mon autre activité et cela ça n’a pas de prix. Bien entendu que l’on souhaite tous vivre de notre activité de freelance mais beaucoup ne comprennent pas que nous voulons surtout exercer une activité qui nous plait et dans les conditions que l’on souhaite. Bien entendu nous sommes dépendants des clients mais nous pouvons les choisir et préférer mener cette vie là plutôt que le « métro, boulot, dodo »
Ensuite j’ai souvent droit à des « tu as l’air fatigué » alors que je suis en pleine forme la plupart du temps mais ils ne comprennent pas que je peux être renfrogné car saoulé par les mêmes questions qui reviennent systématiquement et auxquelles tu n’as pas forcément envie de répondre car il faudrait rentrer dans tout un tas de détails (SEO, réseaux sociaux, problème avec telle solution SAAS, travail avec un illustrateur freelance,…). Récemment par exemple je leur disais que j’avais du implémenter le RGPD afin d’être conforme à la loi… Comment voulez-vous parler de cela à vos parents, vos amis de manière enjouée et sans les perdre au bout de 5 min… et pourtant cela les concerne tous mais ce n’est pas vraiment fun.
Bref, mon avis c’est que la réaction des proches peut se résumer à de l’incompréhension (suspicion et inquiétude oui mais car incompréhension) car ils ne voient pas vraiment toutes les actions que nous menons (administratif, commercial, production, veille juridique, réseaux sociaux… ), ne se rendent pas compte du travail nécessaire et n’arrivent pas à percevoir les résultats obtenus et c’est normal car tout cela est complexe à comprendre lorsqu’on est pas à fond dans le business. Ils n’arrivent pas non plus à ressentir notre progression, nos échecs, nos succès… et il faut arriver à faire abstraction de leurs réactions car au final, tu sais mieux que personne si ce que tu fais est bien pour toi ou pas. Et au pire, même si cela ne marche pas, ta vie ne s’arrête pas là, ce n’est pas parce que eux ils n’accepteraient pas de prendre ce risque que tu ne dois pas le prendre, c’est ce qui s’appelle vivre…
Ce sujet m’intéresse vraiment car c’est un peu pour cela que j’ai créé cyboolo. Pour permettre aux indépendants de mettre en avant leurs compétences et savoirs-faire grâce aux cours en ligne car quand on débute et que l’on a rien à montrer de concret, ni référence, ni témoignage client, c’est important de révéler ce que l’on est capable de faire même si cela n’a pas été validé par une commande. Alors je l’ai fait à destination principalement des futurs clients mais si cela peut aussi aider certains d’entre vous à montrer à vos proches ce qu’est votre métier, vos compétences, votre passion… et bien j’en serai très heureux. Je n’avais pas pensé à cela au départ mais je vois que je ne suis pas seul à vivre cela 😉 ;p
Merci pour cet article, pour ces témoignages (ah au fait cheminée des carpates, n’aie pas peur de te lancer, comme précisé plus haut, tu n’es pas obligée de quitter ton job, de tout changer d’un coup et si ce que tu fais en tant que freelance te passionne vraiment, tu trouveras toujours les solutions et adaptations nécessaires) et je terminerai en disant qu’il y a « proches » et « proches ». Ci-dessus je parlais des parents, des amis, … je n’ai pas parlé de ma femme et de mes enfants. Là il y a plutôt de la compréhension, de l’aide, du soutien, de la compassion… bref de l’amour et de la fierté… mais il faut arriver à trouver un savant équilibre afin que l’activité freelance ne vienne pas trop empiéter sur sa vie de couple et de famille. Il faut parfois savoir lever le pied et sortir la tête du guidon. Ce n’est pas tous les jours faciles mais c’est possible.
Y a le chat aussi mais ça je vous en parlerai une autre fois ;p
Cheers